Voici que la saison décline
 
Voici que la saison décline,
L’ombre grandit, l’azur décroît,
Le vent fraîchit sur la colline,
L’oiseau frissonne, l’herbe a froid.
 
Août contre septembre lutte ;
L’océan n’a plus d’alcyon ;
Chaque jour perd une minute,
Chaque aurore pleure un rayon.
 
La mouche, comme prise au piège,
Est immobile à mon plafond ;
Et comme un blanc flocon de neige,
Petit à petit, l’été fond.
 
Victor Hugo
 
Feuille rousse, feuille folle
 
Feuille rousse, feuille folle
Tourne, tourne, tourne et vole !
Tu voltiges au vent léger
Comme un oiseau apeuré.
Feuille rousse, feuille folle !
Sur le chemin de l’école,
J’ai rempli tout mon panier
Des jolies feuilles du sentier.
Feuille rousse, feuille folle !
Dans le vent qui vole, vole,
J’ai cueilli pour mon cahier
La feuille rousse qui dansait.
 
Luce Fillol
 
Chanson des escargots qui vont à l’enterrement
 
À l’enterrement d’une feuille morte
Deux escargots s’en vont
Ils ont la coquille noire
Du crêpe autour des cornes
Ils s’en vont dans le soir
Un très beau soir d’automne
Hélas quand ils arrivent
C’est déjà le printemps
Les feuilles qui étaient mortes
Sont toutes ressuscitées
Et les deux escargots
Sont très désappointés
Mais voilà le soleil
Le soleil qui leur dit
Prenez prenez la peine
La peine de vous asseoir
Prenez un verre de bière
Si le cœur vous en dit
Prenez si ça vous plaît
L’autocar pour Paris
Il partira ce soir
Vous verrez du pays
Mais ne prenez pas le deuil
C’est moi qui vous le dit
Ça noircit le blanc de l’œil
Et puis ça enlaidit
Les histoires de cercueils
C’est triste et pas joli
Reprenez vos couleurs
Les couleurs de la vie
Alors toutes les bêtes
Les arbres et les plantes
Se mettent à chanter
À chanter à tue-tête
La vraie chanson vivante
La chanson de l’été
Et tout le monde de boire
Tout le monde de trinquer
C’est un très joli soir
Un joli soir d’été
Et les deux escargots
S’en retournent chez eux
Ils s’en vont très émus
Ils s’en vont très heureux
Comme ils ont beaucoup bu
Ils titubent un petit peu
Mais là-haut dans le ciel
La Lune veille sur eux.
 
Jacques Prévert